Pass sanitaire et obligation vaccinale dans le monde de l'entreprise : quelles sont les obligations de l'employeur et des salariés ?

Depuis quelques semaines, le pass sanitaire a fait son entrée dans notre sphère privée et devient incontournable dans notre quotidien agrémenté de sorties au restaurant, théâtre, cinéma, musée et dans d’autres lieux culturels et de loisirs.

Le pass sanitaire mais également l’obligation vaccinale ont été instaurés par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, publiée au Journal officiel le 6 août 2021, la quasi-intégralité de ses dispositions ayant été validées par le Conseil Constitutionnel. La publication rapide des premiers décrets d’application a permis son entrée en vigueur dès le 9 août 2021, s’agissant de l’obligation de présentation du pass sanitaire pour accéder à certains lieux, établissements, services ou événements.

A l’approche de la rentrée et en cette fin de trêve estivale, la question du pass sanitaire et de l’obligation vaccinale dans le monde du travail se pose avec plus d’acuité.

A ce titre, la loi relative à la gestion de la crise sanitaire prévoit un ensemble de mesures impactant les employeurs et les salariés. Le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion a publié le 9 août dernier un questions-réponses sur l’obligation de vaccination ou de détenir un pass sanitaire pour certaines professions, qui a été mis à jour le 17août 2021.

Nous proposons ci-après une présentation des mesures issues de la loi impactant les salariés et employeurs ainsi qu’une réflexion sur l’attitude à adopter en tant qu’employeur vis-à-vis des salariés refusant de se faire vacciner.

Obligation de présentation du pass sanitaire par les salariés travaillant dans un lieu recevant du public à compter du 30 août 2021.

Qu’est-ce que le pass sanitaire et à qui s’applique-t-il ?

Le pass sanitaire s’entend de tout test de dépistage négatif à la Covid-19 datant de moins de 72 heures, d’un justificatif de statut vaccinal ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid‑19.

Il doit être présenté par toutes les personnes intervenant dans des établissements où sont exercées des activités de loisirs, de restauration commerciale ou de débit de boisson (à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire), ainsi que dans les foires, séminaires et salons professionnels, à compter du 30 août 2021 (30 septembre 2021 pour les salariés/intervenants de moins de 18 ans).

La notion de « personnes qui interviennent » comprend notamment les salariés de l’entreprise, les salariés mis à disposition, les stagiaires, les bénévoles, les prestataires, intérimaires et les sous-traitants.

La présentation du pass sanitaire n’est pas nécessaire dans des espaces non accessibles au public (ex : bureaux) ou en dehors des horaires d’ouverture au public.

Le pass sanitaire peut être présenté sous format papier ou numérique.

Quel est le risque pour le salarié en cas de non-présentation du pass sanitaire ?

Le salarié qui ne se conforme pas aux obligations précitées pourra voir son contrat de travail suspendu jusqu’à la production des justificatifs requis, qu’il soit en contrat déterminé, indéterminé, ou en contrat de mission.

Cette suspension s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération et ne sera pas assimilée à une période de travail effectif. Ainsi, aucun congé payé ni droit légal ou conventionnel ne pourra être généré durant cette période.

Avant toute suspension, le salarié a la possibilité d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut l’employeur lui notifiera, le jour-même et par tous moyens, la suspension de son contrat de travail.

Si l’irrégularité de la situation du salarié se prolonge au-delà de 3 jours travaillés, l’employeur doit le convoquer à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation (possibilité d’affectation dans un autre poste non soumis à l’obligation).

Aucun formalisme particulier n’est prévu s’agissant des modalités de convocation du salarié à cet entretien. Il est toutefois recommandé de retracer par écrit le déroulé de l’entretien et les éventuelles décisions qui seraient arrêtées à son issue.

Enfin, la suspension du contrat de travail est sans effet sur les mandats des représentants du personnel, qui pourront continuer à exercer leurs fonctions. Pour faciliter le dialogue social, l’employeur pourra aménager ses modalités d’exercice, notamment en facilitant les échanges à distance.

Quel risque pour l’employeur en cas d’absence de contrôle du pass sanitaire ?

Les employeurs travaillant dans le secteur des services de transport qui n’organisent pas le contrôle du pass sanitaire des personnes souhaitant y accéder seront punis d’une amende de 1 500 € pour une personne physique, 7 500 € pour une personne morale ou d’une amende forfaitaire. A plus de 3 verbalisations dans une période de 30 jours, les peines seront portées à un an d’emprisonnement et à 9 000 € d’amende.

L’exploitant ou le responsable d’un évènement qui n’organise pas le contrôle du pass sanitaire des personnes souhaitant y accéder, sera mis en demeure, par l’autorité administrative, de se conformer aux obligations applicables (sauf urgence ou événement ponctuel). En cas de mise en demeure restée infructueuse suivant un délai maximal de 24 heures ouvrées, la fermeture administrative du lieu pourra être déclarée pour une durée maximale de 7 jours.

La mesure sera levée si l’exploitant ou le professionnel responsable de l’événement se conforme à ses obligations. Si un manquement est constaté à plus de 3 reprises au cours d’une période de 45 jours, celui‑ci sera puni d’un an d’emprisonnement et de 9 000 € d’amende.

L’obligation vaccinale pour le personnel des secteurs médico-sociaux à compter du 15 septembre 2021.

A qui s’applique l’obligation vaccinale ?

Le texte prévoit une obligation de vaccination, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la Covid-19, pour le personnel travaillant dans les secteurs médico-sociaux, dont la liste exhaustive figure à l’article 12 de la loi. 

Les personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des établissements médico-sociaux visés ne sont pas concernées par l’obligation vaccinale.

Il revient à l’employeur de contrôler le respect de cette obligation par les personnes placées sous sa responsabilité. Les Agences Régionales de Santé compétentes sont chargées de contrôler le respect de cette même obligation par les autres personnes concernées.

En cas de non-respect de l’obligation vaccinale, les sanctions seront les mêmes que pour les salariés manquant à leur obligation de présenter un pass sanitaire auprès de leur employeur.

Quel est le calendrier applicable à l’obligation vaccinale ?

Depuis le 9 août et jusqu’au 14 septembre inclus, les personnes non vaccinées pourront continuer à exercer leur activité en présentant un test de dépistage négatif de moins de 72 heures, ou le résultat d’un test PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement de la Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.

A compter du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre 2021, l’obligation vaccinale s’appliquera. En revanche, les personnes engagées dans un schéma vaccinal (au moins une dose) et présentant un test de dépistage négatif pourront continuer à exercer leur activité.

À compter du 16 octobre, les personnes concernées devront justifier, auprès de leur employeur, avoir un schéma vaccinal complet, sauf contre-indication médicale.

Quelles sont les modalités de consultation du CSE pour l’instauration du pass sanitaire et de la vaccination obligatoire ?

Il est prévu que dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’employeur doit informer sans délai et par tout moyen le CSE des mesures de contrôle résultant de la mise en œuvre des obligations prévoyant l’instauration du pass sanitaire et de la vaccination.

Trois jours après la transmission de l’ordre du jour sur le sujet, le CSE se réunit pour rendre son avis.

L’avis du CSE pourra intervenir postérieurement à la mise en place de ces mesures et au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication par l’employeur des informations sur lesdites mesures.

Les salariés peuvent-ils s’absenter pour se faire vacciner ?

Il est prévu que les salariés et stagiaires sont autorisés à se faire vacciner ou accompagner un mineur ou majeur protégé dont ils ont la charge sur leur temps de travail.

Ces absences n’auront pas d’incidence sur leur rémunération et seront assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par les intéressés au titre de leur ancienneté.  

En revanche, le temps nécessaire à la réalisation d’un test (en laboratoire, pharmacie ou établissement) n’est pas considéré comme du temps de travail effectif, sauf stipulation conventionnelle ou décision unilatérale de l’employeur contraire.

Quelle attitude adopter en tant qu’employeur vis-à-vis des autres salariés, non concernés par les obligations légales, qui refuseraient de se faire vacciner ?

A ce jour, les salariés ne travaillant pas dans le secteur médico-social et dans les établissements recevant du public demeurent libres de ne pas se faire vacciner. En dehors de ces secteurs, les salariés n’ont donc aucune obligation de se faire vacciner ni même de présenter un pass sanitaire valable.

Dans un tel contexte, l’on peut imaginer que les employeurs vont être confrontés à de réelles difficultés pratiques s’agissant de certaines catégories de salariés.

Ces difficultés sont susceptibles de se poser d’autant plus que, comme le rappelle Guide « Employeurs » sur la Covid-19 élaboré par la Direction générale du travail et l’Assurance maladie, l’employeur ne peut pas imposer à ses salariés de l’informer de leur statut vaccinal.

On pense notamment aux salariés qui effectuent régulièrement des déplacements professionnels à l’étranger ou en train, ou encore des salariés, commerciaux notamment, se rendant régulièrement dans des salons professionnels ou au restaurant pour des déjeuners d’affaires.

Comment s’assurer que ces salariés vont continuer à exercer leurs fonctions dans les conditions habituelles ?

Par exemple, un salarié non vacciné ne pourra très probablement pas honorer dans certains cas ses obligations professionnelles, faute par exemple de pouvoir effectuer un déplacement professionnel organisé à la dernière minute ou de participer avec des clients à un déjeuner au restaurant non prévu suffisamment à l’avance.

Se pose alors la question pour l’employeur de sanctionner de tels manquements professionnels si ceux-ci s’avèrent récurrents et qu’ils perturbent le fonctionnement du service ou de l’entreprise.

Seule solution pour ces salariés non vaccinés : les tests de dépistage. Mais à l’heure du déremboursement annoncé des tests PCR et antigéniques, la question de la prise en charge de ces tests par l’entreprise au titre d’un éventuel frais professionnel pourrait alors se poser, tout comme la question de l’éventuelle autorisation d’absence du salarié pour se rendre au centre de dépistage.

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Les entreprises n’ont donc pas fini d’être confrontées à des questions inédites dans ce contexte de crise sanitaire avec un dispositif législatif qui ne cesse d’évoluer et de soulever des difficultés pratiques.

Compte-tenu des nombreuses interrogations et des difficultés que l’on peut déjà anticiper, il est recommandé aux entreprises de mettre en place au plus vite une communication adaptée, par le biais notamment de note de service, sur les obligations et les bonnes pratiques dans le contexte Covid-19, auprès des salariés et en particulier des catégories professionnelles qui sont les plus « exposées » dans l’exercice de leurs fonctions (commerciaux, VRP, etc.).

Une telle communication permet d’éviter tout débat sur le fait que les salariés n’auraient pas été informés de leurs obligations et facilitera, le cas échéant, l’enclenchement d’une procédure disciplinaire si le salarié non vacciné ne respecte pas les obligations découlant de son contrat de travail (même si cela ne privera pas l’employeur de l’obligation de justifier la légitimité de la sanction).


L’équipe Droit Social de BDO AVOCATS assiste les entreprises sur l’ensemble de leurs problématiques sociales en lien avec l’épidémie Covid-19 et notamment sur la mise en place de chartes de bonnes pratiques et notes de services, afin de permettre aux salariés et aux employeurs de respecter leurs obligations.

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