Newsletter Corporate et M&A - Édition n°2

Vous retrouverez dans notre newsletter les dernières actualités sur la réalisation des cessions d’actions dans les sociétés par actions dont les titres ne sont pas admis sur les marchés réglementés. Nous reviendrons notamment sur les récentes décisions de la Cour de Cassation portant sur les modalités de transfert d’actions de SAS.

L’inscription en compte des actions acquises comme condition de l’obtention de la qualité d’associé de la SAS.

Dans un arrêt du 18 septembre 2024 (Cass. com. 18-9-2024 no 23-10.455 F-B), la chambre commerciale de la Cour de Cassation s’est prononcée sur les modalités du transfert de propriété des actions non cotées. Cet arrêt clarifie notamment les conditions requises pour le transfert effectif de propriété, en écartant l’application des règles générales du droit de la vente.

Dans le cas d’espèce, les cessionnaires d’actions d’une SAS souhaitaient la désignation d’un mandataire Ad Hoc, dans le but de convoquer une assemblée générale des associés. Le cédant des actions estimait que les cessionnaires n’avaient pas la qualité d’associés de la SAS, du fait qu’ils n’avaient pas procédé au paiement des actions et qu’aucun ordre de mouvement n’avait été émis, le transfert de propriété des actions litigieuses n’avait donc pu avoir lieu.

La Cour d’Appel de Pau, en s’appuyant sur l’article 1583 du Code Civil relatif à la vente, avait jugé que la cession était réalisée dès lors qu’il y avait accord sur la chose et sur le prix. Elle avait estimé que le paiement effectif du prix et la livraison des actions n’étaient pas des conditions déterminantes pour opérer le transfert de propriété. Par ailleurs, les statuts de la société mentionnaient les nouveaux associés, et ceux-ci avaient été convoqués aux assemblées générales précédentes.

La Cour de Cassation a cassé cet arrêt, se fondant sur les articles L. 228-1, R. 228-8, R. 228-9 et R. 228-10 du Code de Commerce. Elle a rappelé que les dispositions de l’article 1583 du Code Civil ne sont pas applicables, dans le cas de la cession d’actions non admises aux opérations d’un dépositaire central ou à un système de règlement et de livraison mentionné à l’article L. 330-1 du Code Monétaire et Financier.

Selon ces dispositions spécifiques du Code de Commerce, le transfert de propriété des actions ne peut avoir lieu qu’à compter de leur inscription au compte individuel de l’acquéreur ou dans le registre des titres nominatifs de la société, et ce, à la date notifiée par celle-ci.

Cet arrêt de la Cour de Cassation apporte plusieurs précisions quant à la validité de la cession d’actions de SAS :
  • L’inscription en compte est la condition déterminante du transfert de propriété : Le transfert de propriété des actions cédées est conditionné par leur inscription au compte individuel de l’acquéreur ou dans le registre des titres nominatifs de la société émettrice (articles L. 228-1 et R. 228-10 du Code de Commerce). La Cour de Cassation écarte ainsi l’application des règles générales de la vente, au profit des dispositions spécifiques du Code de Commerce régissant les valeurs mobilières.
  • Définition élargie de l’« inscription en compte » : La Cour de Cassation adopte une approche large de la condition d’inscription en compte individuel d’actionnaire. L’article L.228-1 du Code de Commerce prévoit que le transfert de propriété de titres ne peut se faire qu’après inscription au compte individuel de l’acheteur. La Cour de Cassation a élargi cette condition. Elle a considéré que les actions étaient transférées par l’inscription en compte soit « au compte individuel des acheteurs ou sur le registre des titres nominatifs de la société » (Cass. com. 18-9-2024 no 23-10.455 F-B). L’inscription au registre des mouvements de titres de l’opération de cession de titres entraine donc un transfert de propriété desdits titres. Ainsi, l’inscription sur le registre des mouvements de titres suffirait à opérer le transfert de propriété des titres au profit du cessionnaire.
  • Précision de la date d’effet : La date d’effet de la cession correspond à celle de l’inscription en compte. Toutefois, cette date ne peut être antérieure à la notification de la cession à la société, ce qui assure une traçabilité des mouvements de titres.
Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle les règles spécifiques applicables au transfert de propriété des actions de SAS, renforçant la sécurité juridique dans ce type de cession, et consacre la possibilité d’un transfert des titres par inscription au registre des titres nominatifs, élargissant ainsi les modalités initialement prévues par le Code de Commerce.

 

La validité de l’utilisation d’un formulaire Cerfa comme ordre de mouvement pour la cession d’actions de SAS non cotées.

Dans un deuxième arrêt du 18 septembre 2024 (Cass. com. 18-9-2024 n° 22-18.436 FS-B), la chambre commerciale de la Cour de Cassation s’est prononcée sur la validité du formulaire Cerfa 2759 en tant qu’ordre de mouvement de titres, permettant le transfert d’actions dans une société par actions non cotée.

Dans le cas d’espèce, le cédant d’actions d’une SAS contestait la validité de la cession, soutenant qu’elle n’était pas conforme aux dispositions légales et statutaires. Il arguait qu’un ordre de mouvement de titres régulièrement signé par le cédant et le cessionnaire faisait défaut, ce qui constituait, selon lui, une violation de l’article L. 228-1 du Code de Commerce et des statuts de la société. Ces derniers prévoyaient expressément que la cession devait être formalisée par un ordre de mouvement de titres.

La Cour de Cassation, tout en rappelant les dispositions de l’article L. 228-1 du Code de Commerce, a précisé que le transfert de propriété des actions résulte de leur inscription au compte individuel de l’acquéreur ou dans le registre des titres nominatifs, selon les modalités prévues par la loi. En ce qui concerne l’ordre de mouvement de titres, la Cour a apporté deux clarifications majeures :
  • Absence de formalisme spécifique imposé par la loi : La Cour a souligné qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne fixe de forme spécifique obligatoire pour l’ordre de mouvement de titres. Cette absence de formalisme laisse place à des interprétations souples, dès lors que le document utilisé remplit les exigences nécessaires à l’inscription des actions.
  • Validité du formulaire Cerfa 2759 comme ordre de mouvement : Le formulaire Cerfa 2759, utilisé pour les déclarations fiscales liées à la cession de titres, est jugé valide en tant qu’ordre de mouvement de titres. La Cour a considéré que ce formulaire, contenant toutes les informations nécessaires pour inscrire la cession dans le registre des mouvements de titres et dans le compte d’actionnaire, satisfaisait aux exigences légales, sauf dispositions contraires des statuts (prévoyant une forme particulière pour l’ordre de mouvement de titres).
Cet arrêt marque une étape importante dans l’interprétation des formalités relatives aux cessions d’actions non cotées. En effet, jusqu’à cette décision, il semblait nécessaire lors d’une cession de titres non cotés de produire à la fois un ordre de mouvement et un formulaire Cerfa 2759.

En validant l’utilisation du formulaire Cerfa 2759 comme ordre de mouvement de titres, la Cour de cassation adopte une approche pragmatique, respectant la liberté contractuelle et les pratiques courantes. Toutefois, il reste essentiel de vérifier les stipulations des statuts des sociétés, qui peuvent imposer des exigences spécifiques pour la réalisation de transfert d’actions.

Ainsi, par ces deux décisions rendues le 18 septembre 2024, la Cour de cassation a rappelé les règles spécifiques applicables à la cession de titres, tout en adoptant une approche plus souple et pragmatique quant aux conditions de validité de ces cessions. Ces arrêts marquent en effet un élargissement des exigences légales et statutaires, notamment en ce qui concerne l’inscription sur le registre des mouvements de titres, mais aussi la reconnaissance du formulaire Cerfa comme un ordre de mouvement valide.
 

Auteures : Ana Brandao, Avocat à la cour & Associée BDO Avocats et Lucie Besson, Juriste Junior.