Aff. Harley Davidson : approche stricte en droit douanier de la notion de relocalisation par la CJUE

L’origine non-préférentielle permet notamment l'application des droits anti-dumping, des mesures de politique commerciale, du made-in ou encore du MACF (Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières).

En 2018, l'Union Européenne (UE) imposait des droits de douane additionnels de 25 % sur les importations de produits issus de l'industrie automobile américaine, en réponse à la politique commerciale des États-Unis.

Dans une démarche d'optimisation douanière, la société Harley Davidson a alors décidé de délocaliser une partie de sa production en Thaïlande.

Pour garantir l'origine non-préférentielle thaïlandaise de ses véhicules, la société a sollicité des renseignements contraignants sur l'origine (RCO), annulés par la Commission Européenne en 2021.

Pour rappel, le RCO, lequel peut être considéré comme un équivalent du rescrit en droit fiscal français, permet de sécuriser l'origine de ses produits auprès de l'administration des douanes, assurant ainsi le tarif et les mesures de politique commerciale applicables aux produits lors de l'importation. Le processus industriel ayant pour objet la fabrication de la marchandise considérée est ainsi présenté au préalable à l’administration des douanes, afin de recueillir son accord « anticipé » sur l’origine de la marchandise.

Pour obtenir une origine non-préférentielle lorsque le produit est fabriqué dans différents pays, il faut analyser les éléments suivants, conformément à l'article 60 du Code des douanes de l'Union (CDU) :
  • Localisation de la dernière transformation ou ouvraison substantielle ;
  • Justification économique de ladite opération ;
  • Réalisation dans une entreprise équipée à cet effet ;
  • Obtention d'un produit nouveau ou d’un produit situé à un stade de fabrication important.
Une transformation est considérée comme économiquement injustifiée lorsqu’il est établi que l’objectif de cette opération était d’éviter l’application des mesures commerciales de l’UE (article 33 du règlement délégué du CDU).

Le 1er mars 2023, le Tribunal de l'UE (affaire T-324/21) jugeait qu'une transformation visant "principalement" à éviter des droits de douane additionnels n'est pas économiquement justifiée. Ainsi, bien que la transformation substantielle ait été réalisée en Thaïlande, celle-ci n'était pas économiquement justifiée, annulant ainsi l'origine non-préférentielle des véhicules Harley Davidson, les requalifiant en produits américains. Le Tribunal a donc invalidé les RCO de la société, estimant que les informations fournies ne permettaient pas de conclure à une relocalisation dûment justifiée en Thaïlande.

Dans l’affaire C-297/2 « Harley Davidson », la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a récemment confirmé la décision du Tribunal, à l’encontre des conclusions de l'avocat général.

Celui-ci, au travers d’un parallèle avec la TVA, rappelait tout d’abord que la CJUE avait reconnu le droit de structurer son activité de sorte à limiter sa dette fiscale.

Ensuite, l'avocat général estimait que l'article 33 visait à empêcher le contournement des règles de l'UE, et non leur évitement. Prohiber l’évitement des règles de l’UE empêcherait en effet de facto toute structure visant à limiter la dette douanière.

Enfin, d’après ses conclusions, il incombait à la Commission de prouver que l'objectif principal était d'éluder les droits additionnels, preuve ne pouvant se fonder uniquement sur des éléments subjectifs, tel qu’une décision de délocalisation postérieure à l'imposition desdits droits.

Considérant que la société n'avait pas apporté d'éléments suffisants pour justifier économiquement cette délocalisation, la CJUE a confirmé le jugement du Tribunal en ce qu’il avait jugé que l'objectif principal de la délocalisation était de contourner les droits de douane additionnels imposés par l'UE.

Une analyse préalable approfondie est donc essentielle en matière d'origine douanière. Avec une politique commerciale américaine potentiellement hostile, il semble prudent d'anticiper de potentiels impacts sur les importations en UE.

Le service Douane de BDO Avocats se tient à votre disposition pour toutes vos problématiques douanières.