Vers une extension du champ d’application du régime TVA de la para-hôtellerie ?
Vers une extension du champ d’application du régime TVA de la para-hôtellerie ?
Synthèse
Deux décisions récentes des juges du fond (CAA Lyon du 2 février 2023 n°21LY01336 et CAA de Douai du 2 mars 2023 n°22DA01547) amènent à s’interroger sur le champ d’application du régime TVA applicable à la para-hôtellerie en France, et sa pertinence au regard de la réalité concurrentielle du secteur.
Nos experts fiscalité indirecte décryptent les enjeux de ces décisions dans notre Blog.
Alerte
Pour rappel, l’article 261 D 4° du Code Général des impôts (CGI) prévoit une exonération de la TVA pour les locations de logements meublés ou garnis à usage d’habitation, quels que soient la durée de la location (nuitée ou annuelle), le montant du loyer, et le type de locaux (appartements, caravanes, tentes etc…).
En revanche, l’exonération de TVA ne s’applique pas aux locations meublées occasionnelles dès lors qu’elles prévoient en sus de l’hébergement meublé, la fourniture d’au moins trois des quatre prestations annexes ci-dessous, exercées dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergements à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle :
- la fourniture de linge de maison,
- le nettoyage régulier des locaux,
- le petit-déjeuner,
- la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
Cette situation emporte une taxation de plein droit à la TVA de la location, conformément à l’article 261 D 4° b du CGI.
Par une décision rendue le 2 février 2023, la Cour Administrative d’Appel de Lyon a considéré que ne suffit pas à caractériser une activité para-hôtelière soumise à TVA, la fourniture à titre occasionnel :
- d’une prestation se limitant à la remise d’un kit de nettoyage aux locataires assortie d’un simple état des lieux au début et à la fin de la période de location afin de vérifier l’état du logement ;
- d’une prestation de ménage « hors coin cuisine », se limitant donc à une partie du logement loué.
En effet, dans la lignée du Conseil d’Etat (CE 20 novembre 2017 n°392740), la Cour Administrative de Lyon, a jugé que les prestations annexes doivent être rendues dans des conditions similaires à celles d’un établissement à caractère hôtelier exploité de manière professionnelle. Cette intéressante décision va dans le sens d’une lecture stricte des conditions d’application du régime.
Par ailleurs, très récemment, le 2 mars 2023, la Cour Administrative de Douai a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’avis portant sur la conformité du régime de TVA de la para-hôtellerie tel que prévu par l’Article 261 D 4° du CGI, à l’Article 135 de la Directive TVA 2006/112.
Pour rappel, l’Article 135 de la Directive TVA prévoit une taxation de plein droit à la fourniture « d’opérations d’hébergement, telles qu’elles sont définies par la législation des Etats membres, qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire ».
Aussi, la Cour Administrative d’Appel de Douai a sursis à statuer pour saisir le Conseil d’Etat des questions suivantes :
- la condition tenant à la réalisation d’au moins trois des quatre prestations définies par l’article 261 D 4° du CGI pour écarter l’application de l’exonération aux prestations de location de logements garnis ou meublés, réalisées à titre onéreux et de manière habituelle, est-elle conforme aux dispositions de la directive TVA ?
- dans la négative, la fourniture de seulement une ou deux de ces prestations est-elle suffisante pour écarter l’exonération de la prestation de location ?
L’avis du Conseil d’Etat est particulièrement attendu, car il pourrait remettre en cause le régime de TVA para-hôtellerie tel que la France l’a mis en place.
Cette dernière décision met en exergue la perspective probable d’une réécriture par le législateur des dispositions de l’article 261 D 4° bis du CGI, afin de s’adapter à la nouvelle réalité économique que constitue notamment la multiplication des prestations d’hébergement de courte durée proposées par l’intermédiaire de plateformes électronique. L’évolution du droit tendrait à assurer une neutralité concurrentielle envers les professionnels de l’hôtellerie, soumis à TVA.
Notre équipe est à votre disposition pour discuter plus en détail des impacts pratiques de ces deux décisions sur vos opérations futures.
David HIRSCH
Avocat - Associé | BDO Avocats
david.hirsch@avocats-bdo.fr
Andréa LOPES
Avocate | BDO Avocats
andrea.lopes@avocats-bdo.fr
Julien HAMEL
Juriste | BDO Avocats
julien.hamel@avocats-bdo.fr