Jurisprudence #2 | Accident du travail et sanctions financières

Jurisprudence #2 | Accident du travail et sanctions financières

Les arrêts rendus par les Cours d’appel de Pau et Paris offrent l’occasion de revenir sur les sanctions financières encourues par l’employeur en cas de déclaration d’accident du travail tardivement adressée à la CPAM.

Aux termes des articles L. 441-2 et R. 441-3 du Code de la sécurité sociale, l’employeur doit déclarer auprès de la CPAM tout accident d’un salarié dans un délai de 48 heures à compter de sa connaissance de sa survenue.

A noter que si le calcul du délai de 48 heures ne comprend pas le dimanche et les jours fériés, il comprend en revanche le samedi.

En cas de déclaration tardive, des sanctions financières sont prévues aux articles L.471-1 et R. 471-3 du Code de la sécurité sociale à savoir :

  • Remboursement à la CPAM de l’indu correspondant à la totalité des dépenses faites à l’occasion de l’accident ;
  • Pénalité supplémentaire prononcée par la CPAM.

En pratique, la CPAM sanctionne rarement l’employeur en cas de déclaration tardive. 

Toutefois, à l’occasion d’un recours en inopposabilité initié par l’employeur, la CPAM peut former une demande reconventionnelle et demander le remboursement de l’indu à l’employeur.

C’est ce qu’illustrent les arrêts rendus par les Cours d’appel de Pau et de Paris.

Dans la première affaire, une société sollicite devant le tribunal judiciaire l’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident d’un salarié. Dans le cadre de l’instance, la CPAM forme une demande reconventionnelle et sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 2.183,92 € correspondant aux indemnités journalières versées au salarié au titre de l’accident du travail, en raison de la déclaration tardive de l’accident à la CPAM.

Par jugement du 22 février 2021, le Tribunal judiciaire de Pau rejette la demande d’inopposabilité présentée par l’employeur et accueille la demande reconventionnelle de la CPAM et condamne la société à lui verser la somme de 2.183,92 € correspondant aux indemnités journalières versées au salarié au titre de l’accident du travail.

La société interjette appel devant la Cour d’appel de Pau, laquelle fait droit à sa demande d’inopposabilité mais confirme sa condamnation à verser à la CPAM le montant des indemnités journalières versées au salarié au titre de l’accident du travail.

La CPAM faisait valoir que :

-    La société a été informée de l’accident le 16 octobre 2018 à 10 h,
-    Elle n’a établi sa déclaration que le 22 octobre 2018,
-    Elle ne l’a lui a transmise que le 25 octobre 2018, soit 9 jours après les faits.

En réponse, l’employeur invoquait :

-    L’absence de matérialité de l’accident déclaré,
-    Les circonstances du retard : déclaration du salarié auprès de l’entreprise utilisatrice, manque de précision sur les circonstances de l’accident, transmission d’un arrêt maladie simple puis d’un arrêt rectificatif pour accident du travail le 22 octobre.

Pour conclure au bien-fondé de la demande de la CPAM, la Cour relève que :

-    L’employeur a établi avec au moins 3 jours de retard la déclaration, 
-    L’employeur est mal fondé à invoquer l’absence de matérialité de l’accident car il n’a pas à s’en faire juge,
-    L’arrêt de travail rectificatif pour accident du travail date du 18 octobre 2018 et aucun élément ne vient étayer l’allégation selon laquelle l’employeur n’en a été destinataire que le 22 octobre 2018. 

Cet arrêt rappelle ainsi l’importance pour l’employeur de respecter les délais prévus pour déclarer un accident de travail auprès de la CPAM, s’il ne veut pas voir les bénéfices de son action en inopposabilité considérablement amoindris et laisser à la CPAM la possibilité de sanctionner l’employeur en représailles à son recours.

Rappelons toutefois que la sanction financière n’est pas automatique ; il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d’apprécier l’adéquation de la sanction à la gravité de l’infraction commise.

C’est à ce titre que la Cour d’appel de Paris a débouté la CPAM de sa demande reconventionnelle dans une affaire similaire, dans laquelle l’accident avait été déclaré 6 jours ouvrés après sa connaissance par l’employeur.

Dans cette affaire, pour faire échapper l’employeur à la sanction financière, notre cabinet avait mis en avant les arguments suivants :

-    L’article L.471-1 du code de la sécurité sociale vise à sanctionner un employeur qui refuserait de procéder à la déclaration ou qui tenterait de cacher un accident du travail ; 
-    L’accident a été déclaré le 4 octobre 2019, et la caisse a attendu 16 mois pour reprocher une déclaration tardive à l’employeur, de sorte que la caisse souhaite en réalité sanctionner un employeur qui entend contester sa décision ; 
-    La déclaration a été réalisée 6 jours ouvrés après la connaissance de l’AVC du salarié, ce qu’elle indique dans la déclaration d’accident du travail, ce qui constitue la preuve qu’il n’y avait aucune volonté de dissimulation ; 
-    Le salarié ne s’est pas plaint de cette situation qui ne lui a causé aucun préjudice, et qui n’a pas été préjudiciable à la caisse.

La Cour acquiesce considérant que « au regard des éléments de l’espèce, il convient de débouter la caisse de sa demande de remboursement des prestations servies au titre des indemnités journalières à l’encontre de la société ».

Nous ne pouvons que saluer l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris ; les demandes reconventionnelles de la CPAM ne pouvant être une mesure de rétorsion à une action en inopposabilité initiée par les employeurs. 

Toutefois, l’on peut s’interroger sur le fait de savoir si la solution aurait été différente si la Cour d’appel de Paris avait fait droit à la demande d’inopposabilité présentée par l’employeur comme dans l’affaire pendante devant la Cour d’appel de Pau, qui avait elle accueilli la demande reconventionnelle de la CPAM.

Ainsi, avant d’engager une action en inopposabilité, il est préférable de vérifier que la déclaration d’accident du travail n’a pas été établie tardivement et, si tel est le cas, d’analyser les enjeux financiers du dossier au regard d’une possible demande reconventionnelle de la CPAM.