CONGES PAYES : 5 arrêts pour des bouleversements majeurs !

A travers 5 arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Cour de Cassation vient de modifier profondément le régime d’acquisition des congés payés en cas d’arrêt de travail sans lien avec le travail, mais aussi le calcul des droits à congés payés en cas d’accident du travail. Enfin, la Cour de Cassation apporte une précision sur le point de départ du délai de prescription du droit à congés payés.

Retour en quelques lignes sur ces arrêts et ce qu’ils vont modifier au quotidien pour les entreprises et les salariés.

Congés payés et arrêt maladie : la fin d’une règle contraire au droit européen

Par 3 arrêts (n° 22-17.340 à 22-17.342) dont la plus large publicité sera assurée puisque cités dans le rapport annuel, la Cour de Cassation écarte les dispositions de l’article L. 3141-3 du Code du travail qui subordonnent l’acquisition des congés payés à l’exécution d’un travail effectif pour les salariés qui ne seraient pas arrêtés pour cause de maladie professionnelle ou accident du travail.

Au regard de la règlementation européenne et des différentes décisions rendues par la CJUE en la matière au cours des dernières années, il était prévisible que cette règle soit écartée à court ou moyen terme, restant à déterminer qui du pouvoir législatif ou judiciaire se saisirait de la problématique.

Face à l’inaction du premier, c’est la Cour de Cassation qui a été amenée à trancher et à juger qu’au regard de l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article L. 3141-3 du Code du travail n’est pas conforme.

Cette décision est lourde de conséquences pour de nombreuses entreprises qui vont désormais devoir accorder des congés payés à leurs salariés qui sont en arrêt de travail, peu important l’origine de l’arrêt et donc rémunérer ces congés alors même que les salariés n’ont pas travaillé.

La question épineuse des droits acquis pour les arrêts de travail passés va également se poser avec un choix à faire entre l’option (discutable) de considérer que pour le passé les salariés ne peuvent avoir acquis des congés payés, ou d’accorder rétroactivement les congés payés aux salariés qui ont été en arrêt de travail sans lien avec une maladie professionnelle ou un accident du travail.

Arrêt de travail : Suppression du plafonnement des droits à congés payés à la première année

L’article L. 3141-5 du Code du travail prévoit que le salarié en arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle ou d’accident du travail a un droit à congés payés durant cette période de suspension et ce, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.

Dans un autre arrêt rendu ce 13 septembre 2023 (n°22-117.638), et avec un raisonnement juridique identique à celui adopté pour censurer partiellement l’article L. 3141-3 du Code du travail, la Cour de Cassation écarte les dispositions du 5° de l’article L. 3141-5 du Code du travail en ce qu’il limite à une durée d’un an ininterrompue le droit à congés payés.

Là aussi, cette décision aura des impacts tant pour le futur que pour le passé sur les droits à congés payés des salariés qui ont été en arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Vers une mise en demeure du salarié de prendre ses congés payés

Le dernier sujet remarquable dans la série d’arrêts rendus le 13 septembre (n°22-10.529) par la Cour de Cassation concerne le point de départ de la prescription en matière de droit à congés payés.

Jusqu’à présent, la Cour de Cassation considérait que le point de départ de la prescription était l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris.

Dans sa décision du 13 septembre 2023, la Cour de Cassation procède à un ajustement de sa jurisprudence en précisant que le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés pourra être l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être prise à la condition « que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé ».

Afin de limiter l’impact de cette jurisprudence, il conviendra pour les employeurs et plus particulièrement pour les services de gestion du personnel, de surveiller la prise effective des congés payés et de mettre le cas échéant le salarié en demeure de prendre ses congés payés (sauf cas légaux de report ou placement de la 5ème semaine de congés payés).

Le constat d’une non-utilisation des congés payés à la fin de la période de prise des congés payés devra d’une part, donner lieu à une injonction formelle de la part de l’employeur faite au salarié de prendre les congés payés et d’autre part, conduire l’employeur à s’interroger sur la charge de travail du salarié et à prendre le cas échéant les mesures afin de permettre aux salariés de prendre leurs congés payés.

A défaut de mettre en place les mesures adéquates, les employeurs de salariés qui n’auront pas pris leurs congés payés, pourraient être amenés à verser de fortes indemnités compensatrices de congés payés, notamment au moment de la rupture des contrats de travail.

Enfin, rappelons qu’au-delà de la problématique du point de départ de la prescription, la mise en place de mesures visant à ce que le salarié utilise ses droits à congés payés sera d’autant plus importante pour les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours et dont la prise effective des congés payés sur l’année est une condition du respect du nombre de jours travaillés.

 

Notre équipe se tient à votre disposition pour vous accompagner afin d’intégrer aux mieux les impacts de ces jurisprudences dans vos entreprises et procéder le cas échéant à un audit de compliance en matière de congés payés.